Champ d’orties

Histoires courtes, textes improvisés et gribouillages

Défi Sprint #6

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Comment ça 6 ? Et le 5, il est où ? Le Défi du jour 5 consistait à reprendre et corriger/améliorer le texte du jour 1. Et vu le thème du jour 6, vous allez vite comprendre pourquoi ça aurait fait doublon…

Contrainte : Unifier les textes des jours précédents

– Bonjour à tous, bienvenue dans ce stage de gestion de la colère ! Je reconnais certains visages, mais je vois que nous avons également quelques nouvelles têtes, sentez-vous libre de partager ou non, sans aucune pression. Personne ne vous jugera, nous sommes tous et toutes passé.e.s par là.
Jimmy se tassa sur sa chaise. Quelle absurdité ! Quelle condamnation débile ! Tout ça parce que soi disant il s’énervait trop, et trop vite. N’importe quoi. Il s’énervait parce que les gens sont énervant, c’est tout. Les autres prenaient la parole, chacun leur tour. Leurs histoires étaient ridicules, et il était absolument certain de n’avoir rien en commun avec ces gens-là. Il s’agita sur sa chaise, agacé. Les regards des autres étaient comme autant de petites aiguilles qui le piquaient, leurs chuchotements comme le bourdonnement agaçant de petits insectes. Il ouvrait et serrait les poings sans s’en rendre compte. Il se sentait mal dans cette pièce, sur cette chaise inconfortable qui grinçait au moindre mouvement, serré dans sa chemise, entouré par des gens qui lui font peur, des gens dont la colère pouvait exploser à la moindre remarque. Il commençait à transpirer et à grincer des dents.
– Jimmy ? Tu veux prendre la parole ?
Ce fut la goutte d’eau. Il éclata d’une colère froide, et jeta sa chaise sur l’homme qui l’avait interpelé. Il atteignit la porte en quelques pas rageur, l’ouvrit à la volée, et s’échappa dans la nuit noire.

C’est à cet instant que tout bascula.

Abasourdi, Jimmy contempla le décor apocalyptique qui s’offrait à lui. Des maisons abandonnées, une route défoncée, un hôtel en ruine. Cette ville était lugubre. Il ne savait même pas comment il avait atterri ici. Il se souvenait être entré dans une ruelle, pas très loin de chez lui, après ce stage absurde qui l’avait faire sortir de ses gonds. Ensuite, le trou noir. Aussi noir que le sinistre corbeau qui venait de se poser sur… Était-ce une pierre tombale ? En pleine ville ? En dehors de tout cimetière ? Un frisson le parcouru, accompagnée d’une vague nausée. Tout dans cette ville le poussait à s’enfuir. Mais pour aller où ? Il ne voyait aucun panneau, aucun lieu connu. La route semblait ne mener nulle part. Il se sentit soudain étouffer. L’atmosphère était oppressante, si lourde qu’elle en était presque palpable. Il fit quelques pas, approchant des ruines de l’hôtel. Un éclat de couleur attira son regard. Cette tache colorée paraissait tellement décalée, tellement saugrenue dans ce décor qu’il se sentit bouleversé. Il ramassa l’objet, et découvrit une petite poupée en tissu, vêtue d’une robe jaune pleine de poussière. Son estomac se noua quand il réalisa que des gens devaient être dans l’hôtel peu avant sa destruction. Peut-être même qu’ils y étaient encore lorsqu’il avait été détruit. Glissant la petite poupée dans sa poche, il continua son chemin, trébuchant sur les pavés déchaussés qui bordaient la rue. Une fissure traversait la ville. Une faille immense, d’une profondeur abyssale. L’obscurité qui régnait dans cette fissure avait l’air d’en déborder, comme si elle cherchait à envahir la ville. A cette pensée, Jimmy eut un petit rire sans joie. Quelle ville ? S’il y avait eu de la vie ici un jour, elle s’était maintenant éteinte. Et de manière à la fois violente et radicale.
Perdu, désespéré tant par le paysage que par la noirceur émanant de la faille, Jimmy sentit toute combativité l’abandonner, S’asseyant sur un trottoir miraculeusement intact, il ressortit la petite poupée de sa poche. Il s’y agrippa, commença à fredonner une berceuse, et s’endormit dans cette position inconfortable.

***

À des centaines de kilomètres de là, une dispute éclata au beau milieu d’une rue passante.
– Non.
Fermement campé·e sur ses deux jambes, Sam croisa les bras, soutenant le regard interrogateur d’Elliott.
– Comment ça, non ?
– Non. Je n’irai pas. Tu ne peux pas me forcer.
– Sam, soit raisonnable… Cette maison, c’est tout ce qui nous reste. On va la retaper, toi et moi, ça va prendre du temps, mais au moins on sera à l’abri !
– Et alors ?
Sam fulminait, et son débit de parole s’accéléra :
– Tu ne sais rien de ce que j’ai vécu là-bas Elliott. T’étais parti ! Dès que t’as pu, t’es parti, et tu m’as laissé·e avec… Avec eux, et…
Sa voix se brisa sur les derniers mots, et Sam tourna le dos à son frère.
– Je n’y retournerai pas. Jamais.
– La maison est vide ! Ils n’y sont plus, ils ne reviendront pas, tu ne risques rien ! Viens au moins avec moi, qu’on puisse voir dans quel état elle est. Si ça te rend malade à ce point, on la vendra, et on se débrouillera avec l’argent. Mais allons la voir. Par acquis de conscience.
Sam semblait tiraillé·e, luttant avec ses émotions. Cela en valait-il vraiment la peine ? Elliott pouvait bien y aller tout seul, voir cette fichue baraque. Mais peut-être que cela pourrait lui apporter quelque chose, de revoir ces lieux.
– Ok. Ok je viens avec toi, on y va, on observe la maison, et on repart. Si tu veux visiter l’intérieur, tu y vas seul, je t’attendrai au portail.
Elliott acquiesça. Il savait qu’il ne pouvait pas en demander plus. Sam et lui se mirent en route, dans un silence qui aurait pu être pesant mais qui était simplement confortable. Les pensées de Sam tournoyaient dans sa tête. Son cœur battait de plus en plus fort, à mesure que la maison tant haïe se rapprochait. Lorsqu’ils tournèrent dans la rue au bout de laquelle elle se dressait, Sam leva les yeux, et eu l’impression que le temps s’arrêtait.
La maison avait disparu. À sa place, une faille immense balafrait ce quartier de la ville. Immense et sombre, si sombre qu’elle semblait absorber la lumière autour d’elle. Elliott fixait la faille lui aussi. Il était impossible d’en détacher son regard. Sam brisa enfin le silence, avec un rire sans joie.
– D’une certaine façon, le problème est réglé.
Elliott lui lança un regard éberlué.
– Sam ! Tu ne comprends pas ce que ça veut dire ? On n’a plus rien! Plus de maison, plus d’argent, aucune perspective !

Mais Sam n’écoutait plus, et se dirigeait vers le parc près duquel ils s’étaient arrêtés. Dans son esprit, le calme était enfin revenu. La tempête était apaisée, les angoisse s’étaient tues. Ael s’allongea sous un arbre, et pris le temps de regarder les rayons du soleil se frayer un chemin entre les feuilles avant de fermer les yeux. Près de son oreille gauche, ael entendait un bourdon passer de fleur en fleur. Et voilà. Après des années de traumatismes, de lutte acharnée, d’émotions débordantes, ael découvrait enfin le sens du mot apaisement. C’était fini, ael était libre à présent. Libre de vivre sa vie, de faire ses propres choix, de tracer son chemin, enfin. Dégagé·e de toute responsabilités, Sam s’autorisait à nouveau à rêver à tout ce qu’ael allait pouvoir faire. Et cette nouvelle vie commençait ici, maintenant, sous cet arbre plus vieux qu’ael et qui lui survivrai sûrement. Cette nouvelle vie commençait avec une sieste particulièrement réparatrice, à peine perturbée par les grommellements de son frère qui se plaignait de son irresponsabilité.

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