Champ d’orties

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Un froid de canard

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Image par analogicus de Pixabay

J’aime pas les matins. J’aime pas être réveillé par une sonnerie alors que mon corps a encore besoin de sommeil. J’aime pas être tiré de mes rêves, reprendre pied dans le quotidien. Sentir l’air froid tout autour de moi, alors qu’il fait si chaud sous la couette. Marcher jusqu’à la salle de bain, dont le chauffage est en panne et où règne une température digne des pires jours de l’Alaska. Attendre dans la cabine de douche que l’eau glacée devienne à peine tiède.

Il fait tout le temps froid ici. Même quand le soleil apparaît, il ne réchauffe rien. Ses rayons fantomatiques n’atteignent même pas le sol. Tout est froid, tout est gelé. Tout est mort. Sauf moi.

Je sais même pas pourquoi. Pourquoi j’ai survécu. Pourquoi je continue ma routine quotidienne comme si tout était normal. Le monde est mort. Tout le monde a disparu, le froid a tout envahi, et je suis là, à me lever bêtement, à faire comme si tout était normal.

Rien. N’est. Normal.

Et le pire ? Je peux même pas mourir. J’ai essayé. Quand j’ai vu que tout le monde avait disparu. Quand le froid a commencé à envahir le monde. Je me suis dit «A quoi bon ?», et j’ai sauté d’un pont. Le plus haut que j’ai pu trouver. Je me suis écrasé en bas, j’ai ressenti une douleur telle que j’étais sûr d’être en train de mourir. Et le lendemain j’ai ouvert les yeux allongé sur l’asphalte. Je n’ai pas réitéré l’expérience, parce que même si je ne meurs pas, ça fait quand même super mal. Je sais même pas pourquoi j’écris tout ça. Personne ne le lira jamais, je suis tout seul. J’ai juste à attendre de mourir de vieillesse j’imagine. Mais est-ce que je peux encore ? J’espère ! Qu’est ce que je vais devenir si je ne peux pas mourir du tout ? Je vais finir par mourir de faim, puis ressusciter, puis mourir à nouveau…

Est-ce que je suis en enfer ? Parce que ça correspond bien à ma définition personnelle de l’enfer en tout cas. Mais j’ai toujours entendu parler des flammes de l’enfer, pas du froid de l’enfer. Quand il fait chaud, on parle d’une chaleur d’enfer. Quand il fait froid… On parle d’un froid de canard, mais ça n’a aucun rapport. Alors quoi ? C’est une blague cosmique ? Dieu a décidé de me punir ? Ou alors c’est juste pas de chance ? J’essaye de continuer à vivre aussi normalement que possible parce que je ne sais pas quoi faire d’autre.

Mais revenons-en à nos matins. Existe-t-il pire moment dans une journée ? J’imagine que certains doivent les apprécier, les voir comme un renouveau, une journée qui commence, un nouveau départ. Moi je n’y vois que la fin de la nuit, cette nuit qui m’apporte tant de soulagement, et pendant laquelle je peux cesser d’être pendant quelques heures, cesser de me lamenter et de contempler mon avenir si long et si vide. La nuit je ne vois plus les rues désertes, les animaux livrés à eux-mêmes, les bâtiments à l’abandon. La nuit je suis juste moi, et seul dans mon lit je peux me laisser aller à imaginer que tout est encore normal.

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