C’est une drôle d’histoire que je vais vous raconter. L’histoire d’une petite fille qui un matin a découvert qu’une de ses pantoufles avait disparu. Mais ce n’est pas tout ! La pantoufle restante n’était pas la sienne.
C’était une toute petite pantoufle, pas plus grosse qu’un pouce. Elle brillait de mille feux, et toutes les couleurs de l’arc-en-ciel la recouvraient. Mélusine essaya d’enfiler la pantoufle sur le pied d’une de ses poupées, juste pour voir, mais la taille ne convenait pas. Elle essaya aussi sur un ours en peluche, on ne sait jamais ! Mais cela n’allait toujours pas. En voyant son chat faire une sieste sur son lit, elle eut une idée. Elle s’approcha doucement, tout doucement. Elle attrapa une patte du chat, doucement, tout doucement. Et lui enfila la pantoufle, doucement, tout doucement.
Et puis elle éclata de rire, parce que cette pantoufle était parfaitement ridicule au bout de la grosse patte poilue, et le chat se réveilla et s’enfuit en courant. À court d’idées, Mélusine tournait et retournait la pantoufle entre ses doigts. Elle essaya de l’enfiler sur son propre pied, parfaitement sûre qu’elle n’arriverait même pas à y glisser la moitié de ses orteils. Et c’est à ce moment là qu’elle comprit qu’il s’agissait d’une pantoufle magique. Alors qu’elle étirait la pantoufle pour essayer d’y glisser son pied, la pantoufle commença à grandir, grandir ! Jusqu’à devenir une pantoufle pile à la bonne taille pour une petite fille.
La pantoufle devait sûrement avoir d’autres pouvoirs! Mélusine bondit sur ses deux pieds, et courut vers sa maman, en souhaitant très fort être invisible. Elle lui passa devant une fois, deux fois, trois fois… Et au moment où elle pensait être vraiment invisible :
– Mélusine, pourquoi tu n’as qu’une seule pantoufle ? Va trouver la deuxième tu vas avoir froid !
Raté. La pantoufle magique ne permettait pas de devenir invisible. Mélusine retourna dans sa chambre, et s’installa sur son lit pour réfléchir. Peut-être que la pantoufle pouvait accorder des vœux ? Elle ferma les yeux pour imaginer une montagne de bonbons. Des gros, des petits, des roses, des bleus, des qui fondent dans la bouche, des qui pétillent, des qui font des bulles. Des bonbons magiques qui font voler, des qui transforment en dragon et permettent de cracher du feu, des qui changent la couleur des cheveux. Elle les imagina en détails, posés là, au milieu de sa chambre, comme un immense trésor coloré. Dans sa tête il y en avait des centaines ! Et quand elle ouvrit les yeux, les bonbons étaient là. Exactement comme elle les avait imaginés, dans leurs emballages brillants. Doucement, tout doucement, elle en attrapa un. Un petit, un normal, juste pour être sûre. Doucement, tout doucement, elle le déballa, puis doucement, tout doucement elle le mit dans sa bouche. C’était un vrai bonbon, un bonbon délicieux ! Un bonbon à la pomme, mais aussi à la poire, et à la fraise, et même au chocolat ! Les goûts apparaissaient les uns après les autres, jusqu’à ce que le bonbon soit entièrement fondu.
Incroyable. Non seulement Mélusine avait trouvé une pantoufle magique, mais en plus elle pouvait faire apparaître des bonbons magiques. La pantoufle avait sûrement d’autres pouvoirs, personne n’avait jamais entendu parler d’une pantoufle magique qui ferait seulement apparaître des bonbons. Peut-être que la pantoufle pouvait faire apparaître toutes sortes de choses ? C’est sûrement pour ça qu’elle ne pouvait pas rendre Mélusine invisible, c’est une pantoufle qui fait apparaître, pas disparaître !
Alors, zoup, elle se glisse dans le jardin. Tout au fond, il y a un grand arbre. Il est drôlement chouette cette arbre, tout tordu, avec plein de branches biscornues. On dirait un arbre de sorcière, et ça tombe bien, parce que Mélusine, avec sa petite pantoufle magique, a un peu l’impression d’être une sorcière ! Elle se plante devant l’arbre, les mains sur les hanches, et ferme les yeux très fort. Cette fois, pas de bonbons, ce qu’elle veut c’est une cabane dans les branches ! Une super chouette cabane, avec des coussins moelleux dedans, une échelle pour monter, une longue vue comme sur un bateau pirate pour voir qui s’approche, et un minuscule placard caché pour y ranger des secrets. Quand elle ouvre les yeux, la cabane est encore plus belle que celle qu’elle imaginait ! À la place d’une échelle pour grimper dedans, il y a un petit escalier qui tourne autour de l’arbre. Le placard à secret est caché sous un tapis multicolore qui est tellement moelleux qu’on peut y enfouir ses orteils. C’est la plus belle cabane du monde !
Elle décide de transférer sa montagne de bonbons de sa chambre à sa cabane. Un voyage, deux voyages, trois voyages… Il y a tellement de bonbons que ça lui prend un temps infini ! Elle en est à son sixième voyage lorsque sa maman vient lui demander pourquoi il y a des bonbons éparpillés sur tout le trajet entre sa chambre et le jardin.
– Ben, c’est mes bonbons magiques !
– Tes bonbons magiques ?, demande sa maman étonnée
– C’est ma pantoufle qui me les a donnés ! Dit Mélusine en agitant son petit pied.
– Elle m’a aussi donnée une jolie cabane !, ajoute-t-elle en souriant.
Elle prend sa maman par la main pour aller lui montrer sa cabane, et elles s’y installent toutes les deux.
Sa maman commence à parler :
– Moi je pense que c’est une petite fée, qui a perdu cette pantoufle. Et comme normalement elle a toujours sa pantoufle sur les pieds, un peu de son pouvoir magique a dû passer dedans.
– Non moi je pense que c’est la pantoufle d’une sorcière ! Parce que les sorcières c’est beaucoup plus chouette que les fées !, dit Mélusine sur un ton convaincu.
– Dans tous les cas, fée ou sorcière, elle doit être bien malheureuse d’avoir perdu sa pantoufle ! Il faudrait sûrement la lui rendre tu ne crois pas ?
Mélusine est un peu triste. Elle aimerait bien garder cette pantoufle magique, et continuer à faire apparaître plein de choses merveilleuses ! Mais elle sait bien que sa maman a raison, et qu’elle ne peut pas garder quelque chose qui n’est pas à elle.
Alors toutes les deux, avant d’aller se coucher, préparent un goûter surprise pour la magicienne inconnue. Plein de bonnes choses sur la table, même quelques bonbons magiques ! Et puis elle posent la pantoufle au milieu, cette pantoufle qui est redevenue minuscule lorsque Mélusine l’a retirée. Elles éteignent la lumière, et vont se glisser sous la couette.
Le lendemain matin, plus aucune trace du goûter ! Ni de la pantoufle d’ailleurs… Sur la table, il n’y a plus qu’un tout petit petit bout de papier, sur lequel se trouve un message écrit en toutes petites petites lettres :
Merci d’avoir retrouvé ma pantoufle !